À Kinshasa, dans le quartier Bisengo de la commune de Bandalungwa, Carrel Mpotiyolo, un homme d’une trentaine d’années, vit désormais dans l’ombre, contraint à une existence furtive. Son seul crime : avoir eu le courage de dénoncer, au cours d’une interview, un groupe de jeunes délinquants surnommés « Kuluna », responsables de nombreuses violences dans le quartier et au-delà.
Le quartier de Bisengo, dont le nom évoque pourtant la joie et l’allégresse, est devenu un lieu où l’insécurité et la peur dominent les esprits. Le sort de Carrel en témoigne de façon poignante.
Ingénieur en informatique respecté, père de famille et actif dans sa communauté pour promouvoir la justice, Carrel est aujourd’hui la cible privilégiée de ces jeunes hors-la-loi. Il est perçu comme un danger pour leurs activités illicites et subit, depuis plusieurs mois, des menaces de mort, des attaques violentes et même un enlèvement.
Une traque implacable
« La première fois, j’ai été contraint de fuir le pays le 27 septembre 2024. Mon retour, le 11 octobre suivant, n’a été que temporaire. Cette fuite était une question de survie après avoir dénoncé les Kuluna au sous-commissariat local. Mais à mon retour, la situation a pris un tournant dramatique. J’ai été menacé, attaqué, puis enlevé », raconte-t-il.
Carrel a déposé une plainte au Commissariat provincial de la police. Bien que certains suspects aient été brièvement arrêtés, leur libération expéditive n’a fait qu’attiser leur vengeance. « Aucun jugement n’a eu lieu, ni condamnation. Après leur remise en liberté, ils sont devenus encore plus menaçants. Je vais déposer une nouvelle plainte ce mercredi 11 décembre », précise-t-il.
Aujourd’hui, Carrel, sa femme Bénédicte Katanga et leur fille Aëla Grâce Mpotiyolo vivent sous la menace constante de représailles. Une insécurité qui touche aussi de nombreux autres habitants de Kinshasa.
Une complicité politique et l’impunité en toile de fond
Certains pensent que ces gangs violents bénéficient de soutiens invisibles. Selon plusieurs sources locales, des figures politiques se serviraient de ces jeunes délinquants pour écraser toute opposition, museler les voix critiques et maintenir une certaine forme de contrôle sur ceux qui réclament justice et équité.
Kinshasa, avec ses 15 millions d’habitants, est depuis longtemps marquée par un banditisme urbain endémique. L’arrivée au pouvoir du président Félix-Antoine Tshisekedi n’a pas encore permis de stopper cette tendance inquiétante.
Opération « Ndobo » : un souffle d’espoir ?
Face à l’escalade de la criminalité, le gouvernement a lancé en décembre 2024 l’opération « Ndobo » (signifiant « Hameçon »), sous la conduite des ministres Jacquemain Shabani (Intérieur) et Constant Mutamba (Justice). De nombreux délinquants ont été appréhendés à Kinshasa, dans le Kongo-Central et dans d’autres grandes villes.
Cependant, malgré ces arrestations, les attaques à main armée, les agressions et les menaces continuent de semer la terreur. Commerces, maisons de change, et même domiciles privés sont fréquemment attaqués, de jour comme de nuit.
La lutte pour la sécurité à Kinshasa est loin d’être gagnée.