Acteur sociopolitique vivant à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, dans l’Est de la RDC, Crispin Kashale scrute le verdict portant condamnation du journaliste franco-camerounais Charles Onana. Dans une interview à bâton rompu, cet expert en justice transitionnelle dénonce les faits pour la France de vouloir cacher la vérité à travers ce procès de Charles Onana. Il recommande ainsi aux Autorités congolaises d’accorder une importance au processus de justice transitionnelle pour une garantie de non répétition.
Ci-dessous l’intégralité de cet entretien accordé à SVEIN MEDIA
SVEIN
Charles Onana a été condamné ensemble avec son éditeur en France, pour dit-on contestation de génocide Tutsi rwandais. Qu’est ce que cela signifie pour les congolais ?
Crispin Kashale
Entant que congolais, c’est un travail de perte de mémoire. Parce que c’est quelqu’un qui a fait un travail de recherche, qui écrit et qui a voulu chercher la vérité. Mais lorsqu’on veut fouiller et qu’on est buté à cette théorie de négationnisme, pour nous, cela devient dangereux. Ça va couper l’élan de beaucoup de nos chercheurs, de beaucoup de personnes qui veulent initier un travail de mémoire dans la région des grands lacs. Je pense que c’est une mauvaise action que la France est en train de démontrer vis-à-vis de la population congolaise.
SVEIN :
Qu’est ce qui peut se cacher derrière cette condamnation de Charles Onana par rapport au génocide Tutsi Rwandais ?
Crispin Kashale
Ce qui se cache est connu de tous. C’est effacer l’histoire. Or l’histoire on ne la cache pas. Cela va rebondir. Ce n’est pas dire qu’on refuse le génocide. Mais, il faut qu’il y ait la vérité. Ce qui se cache, c’est une politique qui a commencé. La France a d’abord pris l’ancienne Ministre des affaires étrangères rwandaise qui chapeaute la Francophonie, sans que dans son pays on parle français. Donc, le français a été remis dans le tiroir. Mais au-delà de tout cela, on se demande, la France est venue demander pardon au Rwanda pour l’opération Turquoise. Cette opération qui a été la plus déplorable pour la RDC. Mais au gré de tout ça, notre diplomatie n’a pas réussi à montrer à la France que c’est à la RDC qu’il faut demander pardon. Puisque c’est elle qui subi les conséquences de tout ce qui s’est passé de l’autre côté de la frontière. Je rentre sur les dirigeants de la RDC pour dire que nous manquons jusque-là, des personnes dignes de foi pour relever les défis.
SVEIN
Maintenant que son avocat a promis d’interjeter appel. Que devrait faire la RDC pour qu’on n’arrive pas à cette perte de mémoire comme vous le déplorez?
Crispin Kashale
Voilà pourquoi, le Dr Denis Mukwege rentre toujours sur l’importance de justice transitionnelle. Parce que le peuple rwandais et le peuple congolais aspirent à la paix. Mais, il n’y a pas de paix sans vérité. Et il n’y a pas de paix sans justice. Et dans ce processus de justice transitionnelle, nous devons comprendre que ce mécanisme de non répétition et de vetting par exemple, doivent être suivis à la lettre pour nous permettre de vivre en paix et de sauvegarder l’histoire afin de voir l’avenir autrement. C’est éternellement que nous resterons voisins.
SVEIN
Un message à la population congolaise par rapport à ce procès de Charles Onana
Crispin Kashale
Je vais dire tout simplement que cela ne décourage pas la population congolaise qui s’attendait à ce que la vérité soit dite. C’est-à-dire qu’on puisse permettre aux gens de pouvoir parler de ce qui s’est passé. Je pense que c’est un problème de régime qui va passer.
SVEIN
De quel régime parlez-vous?
Crispin Kashale
Que ce soit au niveau congolais ou rwandais. Je pense que cela va passer et il y aura un temps où nous saurons la vérité et où nous pourrons le dire sans crainte.
Propos recueillis par Judith Asina