Il a décidé de prendre le taureau par les cornes à la suite de la situation sécuritaire confuse au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, surtout avec la prise de la ville de Goma par les terroristes du M23. Adrien Zawadi, président honoraire du bureau de coordination de la société civile du Sud-Kivu parle à cœur ouvert à ceux-là, qu’on qualifie de ‘’Notables’’, originaires de ces deux provinces de l’Est de la RDC, vivant à Kinshasa. Sans aller par le dos de la cuillère, dans une lettre ouverte, adressée le 1er jour du mois de février, il demande à ces représentant de cette population meurtrie durant une trentaine d’année, à quoi, ont-ils réellement servi en terme de redevabilité.
« Qui êtes-vous et que faites-vous réellement pour ce peuple de l’Est ? Les politiciens rwandais et ougandais sont-ils plus intelligents, plus rusés et plus riches que vous ? ». Autant de questions que pose Adrien Zawadi dans cette lettre que nous coulons en toute intégralité dans les lignes qui suivent :
Lettre ouverte aux politicien(ne)s ressortissants du Nord/Sud-Kivu vivant à Kinshasa.
« Ceux qui ont les yeux pensent que ceux qui ont les oreilles ne voient pas. »
Après trente années de guerre rwando-ugandaise, d’assassinats et de massacres répétitifs, d’humiliation collective, d’errance et de vie de déplacé interne dans une fragilité socioéconomique indescriptible, de traumatisme et de désespoir total de la population de l’Est (Nord et Sud-Kivu voire l’Ituri et le Maniema), il est impératif pour nous de rompre le silence et vous poser des questions de redevabilité sur la portée de votre action politique des trente dernières années mais aussi vous exprimer notre ras-le-bol de votre égoïsme et votre sadisme politiques.
Dignité…
Quelle dignité ou fierté politique avez-vous de partager une même appartenance sociologique et géographique avec un peuple meurtri, continuellement humilié et ridiculisé sous vos regards depuis des décennies par le Rwanda et l’Uganda ? Au-delà de cela, certains de vous, vont faire de courbettes dans ces mêmes pays pour se maintenir au pouvoir et au nom de quoi, vous observez impuissamment le massacre, le viol et la maltraitance de vos frères et sœurs voire vos pères et mères, bref, vos compatriotes. Votre acquiescement et votre silence sont des signes patents d’une trahison coupable devant l’histoire !
Les pays occidentaux qui utilisent le régime de Kigali et de Kampala contre notre pays la RD Congo, sont des pays que vous fréquentez et vous y investissez en termes des relations sociales, politiques et économiques mais hélas ! Tout cela n’a aucun impact positif sur la vie de votre pays, encore moins sur celle de vos régions d’origine.
Qui êtes-vous et que faites-vous réellement pour ce peuple de l’Est ? Les politiciens rwandais et ougandais sont-ils plus intelligents, plus rusés et plus riches que vous ?
Comment pensez-vous échapper à la colère de l’histoire et celle de ce peuple ? Ces enfants orphelins, ces veuves et vieillards abandonnés dans des bâches à Goma, au Sud-Kivu, en Ituri sans rien à manger et sous des pluies torrentielles de la région, ces jeunes livrés à la merci de la drogue et au banditisme urbain à cause d’un chômage sauvage lui imposé par votre cynisme politique qui n’a de bénéficiaires que vos propres frères et sœurs de sang, ces militaires et policiers qui se donnent corps et âmes pour l’intégrité de ce pays mais toujours trahis et vendus au front par des ordres et attitudes politiques invraisemblables venant de Kinshasa où vous siégez, ces fonctionnaires qui ont mis toute leur jeunesse au service du pays mais maltraités et payés en monnaie de singe pendant que vous vous payez, au frais de l’Etat, des luxes exorbitants, ces paysans cultivateurs au parfum de la fumée de la cabane et d’animaux domestiques qui nourrissent toutes nos villes mais ne savent pas vivre de leur sueur car clochardisés et soumis à une mendicité innommable ?
Tous ces gens, vous les avez transformés en des marchandises politiques et au mieux, à des dindons de la farce. Tout ce qui compte ce sont vos intérêts et positions politiques. La vie, le quotidien et l’avenir de vos concitoyens restent le cadet de vos soucis. On ne saurait le dire autrement trente années après dans la même situation et les mêmes postures politiques.
Jusqu’à quand… ?
Beaucoup de vous sont des professeurs d’universités. Vous disposez donc d’un savoir, d’un pouvoir (politique et sociologique) et de l’avoir pour proposer, et à la limite, imposer au système politique en place une stratégie utile et efficace qui protège le pays et particulièrement cette population du Kivu dont vous vous attribuez la propriété dans vos
discours politiques : « mon peuple…mes électeurs.»
Pour des fins populistes et politiques, certains parmi vous, se sont donné des titres assez curieux auxquels le résultat de votre action politique ne donne aucun sens dans la vie de vos concitoyens : « pacificateur, homme du peuple, technocrate, patriote (muzalendo), fils ou fille du pays, Mama waroho, le notable national, Mamou nationale, homme de la situation, le grand stratège, le grand prêtre, etc. Avez-vous le temps de penser au sens réel et symbolique de ces qualificatifs que vous portez et ce qu’en attend la population surtout dans son contexte?
Pourquoi devriez-vous continuer à soutenir et protéger des politiques publiques dont au fond vous n’êtes que les seuls premiers bénéficiaires :
« les cinq chantiers, la révolution de la modernité, le peuple d’abord, les 100 jours, … » Quel honneur avez-vous d’être heureux seuls ? Quand réaliserez-vous que vous venez de ce peuple sacrifié et ce que vous êtes devenus c’est grâce à lui, qu’il est temps de lui rendre l’ascenseur en adoptant des politiques et attitudes un peu plus humaines, solidaires et politiquement équitables ? Ce peuple ne demande que la paix et le fondamental pour sa vie.
La nouvelle prise de la ville Goma et déjà une partie du Sud-Kivu par le M23 avec toutes les conséquences qu’elle entraine devrait vous indigner et vous pousser à un questionnement profond sur la portée de vos carrières et actions politiques, à prendre rapidement une décision ferme de défendre ce peuple qui vous a tout donné : honneur, respect, avoir et pouvoir. Nous sommes au bord de notre patience et de notre tolérance. Que valent vos titres et vos postes politiques si vos compatriotes sont continuellement massacrés, poussés à l’errance dans une extrême humiliation déchirante ?
Unissez-vous et prenez une position ferme et historique face à ce énième abaissement avant qu’il ne soit trop tard… Le peuple veut de vous des actes concrets qui lui rendent sa dignité et sa joie de vous avoir comme représentants.
Avec l’espoir que ces mots toucheront votre sensibilité, je vous prie d’accepter tous mes respects et toute ma considération !
Fait à Bukavu, ce 01 février 2025.
Adrien ZAWADI L.